Inclusion financière pour tous et toutes. Regards croisés Burkina Faso – Pérou

15 Juillet 2021

RETOUR D’ÉVÉNEMENT – En marge de son Assemblée générale 2021, la Société Coopérative Philea International (Philea) a proposé à ses membres et partenaires d’assister à un événement « Inclusion financière pour tous et toutes. Regards croisés Burkina Faso – Pérou » mettant en lumière les deux axes de la stratégie d’intervention de Philea. Deux continents, deux pays, quatre collaborateurs et plusieurs milliers de bénéficiaires qui ont représenté les voix du terrain et leurs accomplissements pour un développement réellement durable. Compte-rendu de cet échange généreux qui vient marquer, avec fierté, les 25 ans de la Coopérative. Découverte !


Intervenant.e.s

Pour le Burkina Faso :

  • Jean-Paul KIENDREBEOGO, Correspondant local Philea au Burkina Faso, Directeur de l’I-RAD
  • Adéline NIKIEMA, Superviseuse du projet INCLUFIN à l’I-RAD

Pour le Pérou :

  • Sergio CÓRTEZ, Correspondant local Philea au Pérou
  • Ytalo ESPEJO, Directeur général de la Coopérative Tocache

L’inclusion financière à travers deux axes d’intervention

Le 27 mai passé, Philea a organisé un événement à destination de ses membres et partenaires « Inclusion financière pour tous et toutes. Regards croisés Burkina Faso – Pérou ». Le but de cette rencontre était d’écouter la parole du terrain afin de comprendre les mécanismes qui engendrent l’impact social et économique et d’illustrer la stratégie d’intervention de Philea, reposant sur deux axes principaux.

Pour l’axe non-financier, c’est Adéline NIKIEMA, superviseuse pour l’I-RAD du projet « Inclusion financière des femmes au Burkina Faso : vers une réduction de la pauvreté et une prospérité partagée » (Inclufin), qui a expliqué les tenants et aboutissants de cette mission. Soutenue par Jean-Paul KIENDREBEOGO, Correspondant local de Philea au Burkina Faso et Directeur de l’I-RAD, ils ont expliqué les mécanismes du projet dans un contexte burkinabé qui présente des défis sécuritaires et sanitaires de taille. Leur intervention a également été précédée par le reportage que la chaîne suisse-romande Léman Bleu a réalisé. Découvrez-le ici !

Concernant l’axe financier, Ytalo ESPEJO, Directeur général de la Coopérative Tocache CAT (Tocache), a partagé son expérience et son regard sur la collaboration entre les deux institutions. Avec Sergio CÓRTEZ, le Correspondant local de Philea au Pérou, ils sont revenus sur l’importance de l’appui financier et du suivi afin de permettre l’autonomie financière. Avant leur intervention, une capsule vidéo donnant la parole aux agriculteurs de Tocache a été projetée. Elle se retrouve en cliquant ici.

Inclure financièrement les femmes au Burkina Faso pour un développement réellement durable

Cette partie a été entamée par le reportage consacré au projet « Inclusion financière des femmes au Burkina Faso : vers une réduction de la pauvreté et une prospérité partagée », diffusé sur la chaine de télévision genevoise Léman Bleu. Mettant en lumière le parcours de milliers de bénéficiaires à travers celui d’Azeta TRAORE, une mère de famille burkinabé qui vend désormais des gâteaux sur le marché, cette capsule vidéo a permis de rendre compte de l’importance des activités génératrices de revenue (AGR) à travers une approche financière et un soutien non-financier afin d’inclure financièrement des groupes vulnérables, rejetés de l’économie formelle.

« Avec ce projet, on donne les moyens aux membres de groupes de pouvoir se réaliser » Jean-Paul KIENDREBEOGO

Jean-Paul KIENDREBEOGO a d’abord pris la parole pour rendre compte de la situation globale du pays. Il a expliqué que la situation sanitaire est préoccupante mais que l’angle sécuritaire l’est tout autant, voir plus, en raison des heurts qui ravagent le Burkina Faso. L’instabilité actuelle maintient des populations vulnérables dans des situations de précarité fortes, renforcées par des politiques discriminatoires, comme à l’égard des femmes par exemple. Le but du projet Inclufin est de justement rappeler la valeur de chacun et chacune. Jean-Paul KIENDREBEOGO a insisté sur la méthodologie « Associations Villageoises d’Épargne et de Crédit » (AVEC), utilisée dans ce projet, qui permet d’instaurer une discipline appropriée. Il s’est d’ailleurs par la suite adressé à Oscar RWASA, Correspondant local de Philea au Burundi, en lui proposant d’entamer une discussion sur le sujet afin d’appliquer cette méthodologie à plus grande échelle.

Par la suite, Adeline NIKIEMA est revenue sur les détails de la méthodologie, qui montre des résultats encore plus encourageants que l’éducation financière. Elle a rappelé que la force du projet réside dans la logique de groupe. Chaque individu est plus fort grâce à la mise en place d’un pot commun pour accéder à des crédits. Elle a également expliqué que la nécessité de l’épargne qui est enseignée aux bénéficiaires permet de rendre compte des bonnes pratiques pour éviter les situations de surendettement. En effet, les agents de terrain et les agents villageois, formés à suivre les différents groupes, accomplissent un travail supplémentaire qui renforce les compétences des membres et qui pousse à investir dans son projet professionnel en fonction des opportunités. Ainsi, la prospérité passe par le groupe. Elle a finalement terminé avec les chiffres en cours et a rappelé qu’il y a actuellement plus de 100 groupes dans les 3 différents sites de travail représentants plus de 2’200 personnes. Les membres ont déjà épargné plusieurs dizaines de milliers de CHF. L’organisation de groupe permet de se donner les moyens de se réaliser.

« Ces projets permettent aux bénéficiaires de s’en rendre compte de leur capacité d’épargne et surtout, de leur potentiel » Adeline NIKIEMA

Tocache : une collaboration financière soutenue par du renforcement technique

Comme un effet miroir, cette partie a été entamée par une vidéo réalisée par Tocache, où les agriculteurs se sont adressés aux membres de Philea pour remercier de l’appui obtenu. Depuis 2015, les deux Coopératives travaillent ensemble afin de permettre à Tocache de vendre son cacao à l’étranger et de payer ses agriculteurs d’une façon plus décente. En effet, Philea a déployé tous ses outils financiers avec Tocache :

  • un crédit de campagne renouvelé chaque année, permettant une avance pécuniaire pour les récoltes
  • un crédit à l’équipement depuis 2020, améliorant les infrastructures des sites de travail
  • une garantie bancaire avec un troisième partenaire, Blackbone

Cette situation exceptionnelle a été rendue possible grâce au soutien de Sergio CÓRTEZ et à la mise en place de bonnes pratiques et d’éducation financière, comme l’explique Ytalo ESPEJO. « Grâce à Sergio CÓRTEZ, on a pu mettre en place de mesures de contrôle de risque. Il a été un soutien important pour donner les priorités : d’abord une meilleure gouvernance, ensuite un apprentissage en éducation financière et enfin, apprendre à investir avec stratégie. L’accompagnement quotidien de Sergio est une plus-value qui permet d’avancer plus sereinement. »

Pour Ytalo ESPEJO, le travail du Correspondant local est primordial pour le suivi, notamment avec le Siège de Philea à Genève, ainsi que pour l’appui et le renforcement de compétences qui est mis en œuvre. À ce sujet, Sergio CÓRTEZ a d’ailleurs rajouté que certains cours ont été élaborés il y a plusieurs années avec Jamir CONTRERAS, Correspondant local en Amérique centrale. Certains aspects ont évolué pour s’adapter aux régions et aux époques. Mais Sergio CÓRTEZ précise aussi que certains enseignements sont parfois informels et aident les entreprises qui en ont besoin à mieux appréhender des situations compliquées.

« L’accompagnement quotidien de Sergio est une plus-value qui permet d’avancer plus sereinement » Ytalo ESPEJO

Ytalo ESPEJO a d’ailleurs mentionné l’importance de la bonne gouvernance pour arriver à de meilleurs résultats économiques, c’est un travail de fond. Il a expliqué que le soutien sur la bonne gouvernance a permis une meilleure prise de décision qui a engendré une meilleure qualité de travail en raison d’une réflexion stratégique profonde. Il émet un constat clair, celui que l’intervention financière et non-financière de Philea a permis à Tocache :

  • d’accueillir plus de membres, de 120 à 480 producteurs en l’espace de 5 ans
  • de développer ses projets
  • de construire des infrastructures permettant une meilleure capacité de stockage du cacao, 350 tonnes peuvent désormais être traités
  • de s’ouvrir à de nouveaux partenariats
  • et de financer des campagnes de récolte permettant aux agriculteurs d’accéder à un meilleur niveau de vie.

Sergio CÓRTEZ a d’ailleurs estimé que les différents investissements au Pérou permettaient un meilleur rendement que la garantie, ancien outil de prédilection de Philea. Il a expliqué que de façon plus globale, le crédit direct permet aux différents partenaires péruviens de mieux se positionner dans l’exportation, ce qui est un cercle vertueux. Il analyse que Philea a soutenu ses membres en s’accomplissant pleinement dans les coopératives agricoles et les institutions de microfinance, touchant ainsi un nombre important de personnes. Il a d’ailleurs cité en exemple que malgré l’année 2020 particulièrement difficile, Philea a tout de même octroyé un crédit à l’équipement à Tocache, permettant à la Coopérative de se développer selon la réalité de leurs besoins.

Considérations finales – que peut-on garder de ces échanges ?

Cet échange a permis de se rendre compte d’éléments concrets. Depuis aujourd’hui 25 ans, Philea n’intervient pas uniquement selon un axe financier à travers duquel elle émet des crédits pour du capital de travail. Philea est une Coopérative qui fonctionne en réseau afin de mieux renforcer ses membres, notamment à travers ses correspondants locaux, en charge d’apporter du soutien quotidien sur le terrain.

Philea souhaite également aider ses membres à grandir en les assistant techniquement ou en leur donnant des cours d’éducation financière, pour permettre une autonomie basée sur le développement du potentiel.

L’expérience du projet Inclufin au Burkina Faso ou de l’accompagnement de la Coopérative Tocache permettent de valoriser l’expérience du terrain et de voir que les stratégies d’intervention doivent toujours s’adapter aux besoins. Lorsque Jean-Paul KIENDREBEOGO a demande à Sergio CÓRTEZ ce qui avait été crucial pour voir l’éclosion de la Coopérative Tocache, ce dernier n’a pas hésité à répondre que le travail en amont (sur la gouvernance et le renforcement technique) avait permis de développer des relations de travail de qualité. Hormis l’émotion de voir deux Correspondants locaux de deux pays ayant des objectifs si différents discuter des meilleures pratiques à avoir sur le terrain, cet échange riche a permis de se rendre compte qu’une intervention durable se construit avant même le début d’une collaboration.

Un grand merci à tous les Correspondants locaux de Philea qui accomplissent au quotidien un vrai métier de terrain, permettant de se rapprocher d’un développement réellement durable.

Un grand merci également aux partenaires et aux bénéficiaires qui nous aident à développer les meilleures stratégies d’intervention adaptées.

Enfin, un grand merci aux intervenant.e.s de cette journée qui ont eu la gentillesse de nous rapporter leur expérience terrain avec autant d’humilité et de précision !