Gestion des liquidités en Afrique : comment relever les défis en temps de Covid-19

17 décembre 2020

En été 2020, Philea – à travers son Directeur général, Alain Vergeylen – a fait partie d’une équipe de consultants proposant de l’assistance technique à des Directeurs d’Institutions de microfinance (IMF) dans le but de mieux gérer la crise de la Covid-19 d’un point de vue économique et financier. Le projet intitulé « La gestion du risque de liquidité pour 50 IMF en Afrique » a été proposé par un consortium de bailleurs de fonds – Microfinance African Institutions Network (MAIN), Solidarité Internationale pour le Développement et l’Investissement (SIDI), le Fonds Européen de Financement Solidaire pour l’Afrique (FEFISOL) et la Fondation Grameen Crédit Agricole (FGCA) – afin d’accompagner leur bénéficiaire à faire face à ce choc aussi systémique, qui a notamment touché les échanges internationaux et trans-frontaliers. Alain Vergeylen partage son expérience. Découverte !

Contexte et situation du projet : le e-learning pour rassembler les expériences

Dans cette rencontre avec Alain Vergeylen, le Directeur général de Philea revient sur son intervention en tant que formateur pour le projet « La gestion du risque de liquidité pour 50 IMF en Afrique ». C’est à l’origine François Rossier, Directeur de Senbumo, partenaire technique de la Coopérative depuis 2017, qui gagne l’appel d’offre afin de coordonner ces différents webinaires sur deux mois (du 6 juillet au 15 septembre) et qui propose à Alain Vergeylen de constituer son équipe de quatre formateurs, expérimenté.es dans les formations participatives en Afrique.

Initialement prévu pour 50 IMF, elles seront finalement 40 à bénéficier des activités d’accompagnement, dans une vingtaine de pays d’Afrique ainsi qu’au Liban.

Cette assistance technique sous forme de e-learning était un pari. Mauvaises connexions Internet, difficultés à réunir les individus : autant de limites envisagées qui n’ont finalement pas été un problème. En revanche, la longue distance et le manque de contact humain a demandé aux formateurs une dose importante de pédagogie afin de rendre le tout stimulant, notamment à travers des vidéos ou de l’interactivité. À ce sujet, Alain rajoute :

« Ce qui a été intéressant aussi c’est de voir les gens s’exprimer et échanger sur les situations dans chacun des pays. Il y a donc eu un échange d’expériences entre IMF de différents pays, ce qui n’aurait pas été autant possible autrement ».

 

L’assistance technique : un accompagnement en trois temps

Une méthodologie en trois points a été développée afin d’accompagner au mieux les IMF.

Dans le souci de comprendre l’état des différentes institutions, il y a tout d’abord eu un sondage afin de constater la situation initiale. Différents domaines d’action ont été identifiés : la communication et l’information à la clientèle, la maitrise des charges et des produits, la stratégie pour les crédits à la clientèle (comme par exemple le rééchelonnement), l’action sur le dépôt des épargnants ainsi que la négociation avec les partenaires externes, notamment les gouvernements.

Dans un deuxième temps, les formateurs ont développé un outil simple que les IMF peuvent utiliser avec la finalité de faire des projections et des hypothèses sur les variables entrainant un risque pour leur activité. Ici, les IMF devaient donc apprendre à constater l’impact des mesures liées à la Covid-19 (ou de tout autre événement) sur les commerces et les activités de leurs bénéficiaires en appréhendant les risques.

Enfin, une fois l’outil compris et mis en place, la troisième étape consistait à développer des stratégies différentes d’action et de voir sur quel axe les IMF devaient agir afin d’éviter les scénarii les plus problématiques.

« (…) les mandataires ont convenu qu’il fallait agir en amont et prévoir des solutions pédagogiques dans le but de soutenir ces différents acteurs à travers un accompagnement précis (…) »

Quel avantage de cette méthodologie ? Pour Alain Vergeylen « Les différents bailleurs de fonds qui soutiennent ces IMF et par extension, les bénéficiaires finaux, ont compris l’enjeu important d’appréhender les possibles conséquences néfastes des mesures liées à la Covid-19 sur l’économie. Afin d’éviter cette crise des liquidités redoutée et par extension, une détresse importante des bénéficiaires tout comme des IMF, les mandataires ont convenu qu’il fallait agir en amont et prévoir des solutions pédagogiques dans le but de soutenir ces différents acteurs à travers un accompagnement précis sur deux mois. »

 

Des IMF soutenues, un impact positif pour tous

Alain Vergeylen explique l’importance d’avoir un retour de la part des participant.es concernant la qualité de l’enseignement. À travers un questionnaire anonyme, il a été mentionné qu’une écrasante majorité a apprécié l’accompagnement tel qu’il a été déployé, notamment de par la qualité des intervant.es, au point d’espérer voir la poursuite d’une telle formation à l’avenir. En effet, le Directeur général de Philea précise que ces formations ont permis à beaucoup de sortir de leur vision comptable afin de développer un outil stratégique pour les aider à prendre des décisions, ce qui a d’ailleurs ravi les bailleurs de fonds. Alain Vergeylen explique aussi que les échanges entre les participant.es ont été particulièrement apprécié « parce qu’ils ont enrichi les débats et qu’ils ont permis de saisir ce qui est accompli ailleurs et par quel moyen ». Il revient notamment sur ce cas au Bénin où des éleveurs de poules n’ont pas pu écouler leur stock d’œufs en raison de la fermeture des marchés, ce qui a poussé une IMF à doter ses clients d’un système de réfrigération.

D’ailleurs, ces formations ont également été une source intéressante d’information pour les formateurs et les bailleurs. Alain Vergeylen revient ainsi sur les nouvelles stratégies déployées. A fur et à mesure des semaines, les IMF se sont rendues compte que si les villes étaient fortement bloquées, notamment en raison des différents confinements ou des restrictions de circulation, les zones rurales étaient, elles, plus épargnées par ces politiques. Les IMF se sont donc rapprochées de cette nouvelle clientèle située en zone rurale ou péri-urbaine pour les soutenir. Cet élément permet également de comprendre les dynamiques de ces IMF à vocation sociale qui ont su se réinventer et toucher de nouveaux bénéficiaires, ayant des petites activités génératrices de revenue.

 

Considérations finales – de l’assistance technique dans un souci de résilience

Plus que de l’assistance technique, Philea a participé à de l’échange d’expériences entre IMF, permettant à chacun de s’exprimer et de partager sur les différentes expériences vécues. C’est précisément cet échange qui a permis de dépasser l’estrade de l’assistance technique et d’aller vers un du partage et de la solidarité.

Les participant.es ont donc été accompagné.es et formé.es à faire face à une crise sanitaire mondiale, impactant l’économie formelle et encore plus l’économie informelle, comptant en son sein des commerçants ou des agriculteurs risquant l’extrême pauvreté par l’arrêt de leur activité.

Et c’est encore ce participant qui résume le mieux l’accomplissement du projet :

« Merci pour l’implication de toute l’équipe de formateurs qui ont su nous donner le goût de la gestion des liquidités car aujourd’hui, nous n’évoluerons plus dans l’incertitude de gérer un choc comme celui du Covid-19 sur nos activités mais plutôt dans les défis basés sur les expériences vécues lors de ces différents webséminaires. »